Lavaux et ses patrimoines
L'histoire de Lavaux remonte à des millénaires. Avant l'intervention de l'Homme, c'est la nature qui a formé le paysage.
Maison Lavaux
Vous pouvez satisfaire votre curiosité sur Lavaux et ses patrimoines en visitant Maison Lavaux ! Véritable « porte d’entrée » du vignoble inscrit à l’UNESCO, ce centre d'interprétation propose une immersion historique, humaine et culturelle au cœur de ce paysage unique. Grâce à un-e guide certifié-e, vous découvrirez diverses facettes du vignoble en terrasses et des clés de lecture pour comprendre les richesses du site.
Une histoire plus que millénaire
Façonné par l’Homme depuis le XIIe siècle, Lavaux est célèbre pour son vignoble en terrasses et sa vigne plantée dès l’époque romaine. Mais l’origine de ce paysage remonte à bien plus tôt. C’est durant le Quaternaire que le glacier du Rhône a modelé le relief escarpé. Tour d’horizon des périodes marquantes de Lavaux au fil des millénaires !
A une quinzaine de reprise, le glacier du Rhône a envahi la cuvette lémanique durant le Quarternaire (à partir de 2.6 millions d’années avant la période actuelle), modelant le relief pentu du versant de Lavaux. C’est donc le Rhône ancien, puis le glacier du Rhône, qui ont dessiné les ébauches des terrasses que l’on connait actuellement.
Dans les bourgs, on a retrouvé des vestiges de l’époque romaine, notamment le long du lac ou dans les villages de Grandvaux et Riex. Il est par ailleurs précisé sur une borne militaire de Saint-Saphorin que la distance jusqu’à Martigny pouvait être parcourue en 37'000 pas.
En 1079, une donation confère aux évêques de Lausanne un pouvoir sur les grandes paroisses. Au XIIe siècle, ils cèdent des terres stratégiques aux abbayes cisterciennes de Hauterive, Haucrêt et Montheron pour rentabiliser et renforcer ces terres. Les moines de Hautcrêt reçoivent le Clos des Moines, Montheron obtient le Clos des Abbayes avec une chapelle du XVe siècle. Ces domaines appartiennent maintenant à Lausanne. Les vignes et les Faverges au-dessus de Saint-Saphorin sont contrôlées par l'Abbaye d'Hauterive depuis 1138 jusqu'à l'État de Fribourg en 1848.
Au XVIII siècle, les meules de gruyère étaient transportées de Vevey à Genève, puis à Lyon. La Marine française les achetait en raison de leur longue conservation pour approvisionner l'équipage. Une autre route, les Gonelles, construite en 1766 entre Chexbres et Vevey, servait au transport du vin vers Berne.
Le premier axe routier de Lavaux émerge en 1840 le long du lac. En 1891, la ligne ferroviaire du Simplon voit le jour, le long de la route. Plus haut, la ligne de Berne accueille ses premiers trains l'année suivante. C’est en 1974 qu’est construite l’autoroute A9, qui passe à travers le haut du vignoble.
Un territoire façonné
Lavaux se distingue des autres vignobles en terrasses par la manière dont l'homme a exploité la géographie pour accentuer les terrasses naturelles et façonner le relief.
Le versant lacustre présente une pente moyenne variant de 13° à 43° d'ouest en est. Il est traversé par des cours d'eau torrentiels comme la Paudèze, la Lutrive, le Forestay et la Veveyse, qui ont creusé des ravins profonds. Dans la partie ouest, entre Rivaz et Paudex, le versant est moins pentu avec des découpes et des boursouflures dues aux mouvements du sol.
Au nord, Lavaux est bordé par les collines du Mont-Pèlerin (1080 mètres), de la Tour de Gourze (925 mètres) et du Signal-de-Belmont (807 mètres). Au-delà, le relief s'apaise, les cours d'eau se dirigent vers le bassin rhénan et le climat change considérablement, laissant place à des pâturages et des forêts au lieu de la culture de la vigne.
Lavaux tire sa morphologie principale de la structure géologique de son substrat rocheux. Les bancs résistants et alternés ont créé un relief en marches d'escalier (cuesta), formant la base pour le développement du vignoble. Les bancs de conglomérats du Mont-Pèlerin à l'est jouent un rôle majeur dans cette morphologie. La formation du relief structural a été influencée par l'érosion glaciaire du glacier du Rhône, qui a sculpté le paysage et isolé le Mont-Pèlerin. Les niveaux plus tendres ont été creusés et ont accumulé de la moraine et des blocs erratiques.
L'intérêt du paysage de Lavaux réside dans l'aménagement humain du relief pour l'agriculture, créant ainsi un paysage culturel. Les habitants s'identifient à ce "territoire-terroir". Malgré les contraintes du relief, les sociétés ont adapté leurs pratiques au contexte morphologique. Sur les flancs plus doux et humides du Mont-Pèlerin, seuls les replats entre les escarpements de conglomérats ont été défrichés, tandis que les têtes de bancs sont restées boisées. Dans les zones escarpées, les bancs conglomératiques ont été utilisés pour créer des terrasses de vignes, certains escarpements servant même de murs séparateurs. Cependant, l'altération des bancs présente des risques et nécessite souvent des consolidations artificielles. À l'ouest, le paysage viticole s'uniformise en suivant les changements de concavité du versant liés aux processus gravitaires, parallèlement à la réduction des escarpements conglomératiques.
Les Alpes se sont formées par le chevauchement de la plaque tectonique africaine sur l'ancien océan Téthys et ensuite sur le continent européen. Ce processus de déformation des roches a débuté il y a environ 100 millions d'années lorsque l'Afrique s'est rapprochée de l'Europe. Cette déformation a progressivement avancé vers le nord-ouest, atteignant la région de Lavaux il y a environ 10 millions d'années. À Lavaux, la déformation a entraîné des chevauchements de compartiments rocheux le long de failles, rapprochant des roches qui étaient à l'origine séparées par plusieurs kilomètres. Le dernier de ces chevauchements marque le front alpin, juxtaposant la molasse aquitanienne et la molasse à charbon. La tectonique est complexe et d'autres failles secondaires découpent les roches de la région.
A l’exception de la molasse de l’ère tertiaire, les autres formations géologiques de Lavaux datent de l’ère quaternaire (1,75 million d’années à aujourd’hui). Au cours des derniers millions d’années, une succession de glaciations, entrecoupées de stades interglaciaires plus chauds, a affecté notre planète. A Lavaux, seuls des dépôts remontant à la dernière période glaciaire (le Würm, 100 000-15 000 ans) sont présents, puisque le dernier glacier a balayé presque tous les dépôts des glaciations précédentes.
C’est d’ailleurs à ces grandes glaciations que nous devons le modèle du paysage que nous connaissons aujourd’hui.
A l’heure actuelle, le modelé du paysage est le fruit de l’érosion mécanique opérée par le ruissellement des eaux, de l’érosion chimique survenant par dissolution du ciment des roches et des phénomènes de gel-dégel qui fracturent les roches. Ces processus affectent particulièrement les bancs de poudingues qui tendent ainsi à s’ébouler. C’est la raison pour laquelle ces derniers font régulièrement l’objet de travaux géotechniques visant à les consolider.
- Climat
Les températures de la région de Lavaux sont influencées par la présence du lac qui leur permet d’être relativement douces en hiver et durant la nuit. Grâce à son relief et son exposition sud-sud-ouest, Lavaux est en partie abrité des vents du nord et profite d’un bon ensoleillement, ce qui contribue à des températures mesurées et perçues relativement élevées.
Une vitiviniculture héroïque
Lavaux semble avoir été longtemps un coteau sauvage et non exploité. Sa forte pente encombrée d'éboulis ne convenait ni aux cultures ni aux voies de communication. Cependant, la douceur de son versant, exposé au soleil, a attiré les premiers habitants. Puis, la civilisation romaine et la christianisation ont initié le besoin en vin, favorisant la culture de la vigne à Lavaux. Les premiers vignobles ont ainsi été plantés aux alentours des zones habitées près du lac, et la culture en pente s'est développée, avec le Dézaley (zone la plus raide) cultivée par les moines cisterciens au XIIe siècle.
L’influence du Léman sur le climat en Lavaux est particulièrement significative et agit sur la maturation du raisin grâce à la réflexion des rayons solaires par le lac, un effet renforcé par les pentes abruptes. On parle ici des "trois soleils" : le soleil lui-même, sa réflexion sur le lac et la chaleur emmagasinées par les murs.
Lavaux, qui était une région rocheuse et broussailleuse, a été transformé par l'homme, pour devenir, au fil des siècles, ce paysage de vignoble en terrasses, comme on le connaît aujourd’hui. Les pentes vers le Léman sont rythmées par les ruisseaux creusant des vallons dans les moraines et les roches dures. L'érosion due aux orages est combattue en guidant l'eau vers les ruisseaux et en freinant le ruissellement avec des fossés et des canalisations. Les murs en pierre, construits avec des pierres locales, créent des terrasses inclinées pour la viticulture. Les terrasses ont évolué au fil du temps, parfois agrandies ou réalignées. La mécanisation encourage maintenant une culture en travers plutôt que dans le sens de la pente, nécessitant parfois la suppression de murs non essentiels.
De nos jours, le vignoble de Lavaux comprend principalement des propriétés familiales, avec des vignerons qui louent et cultivent leurs vignes, vinifient leur récolte, puis vendent leurs vins. Une situation différente de celle d'autrefois. Avant la Réforme (1536) et jusqu'au XVIIIe siècle, il existait de grandes propriétés, comme le vignoble des Faverges et le Dézaley, qui appartenaient à des abbayes et couvents. De nombreuses vignes étaient autrefois exploitées en partenariat avec des vignerons, et la vente de ces vignes aux vignerons a favorisé la croissance des propriétés familiales. Après la Réforme, on a vu les propriétés familiales augmenter.
Si la vitiviniculture est dominante aujourd’hui à Lavaux, jusque vers 1900, la plupart des exploitations pratiquaient également l'agriculture et l'élevage. Les granges, étables, maisons de vignerons, pressoirs et caves coexistaient. Les traitements nécessaires contre les maladies de la vigne à partir de 1900 ont peu à peu mis fin aux exploitations mixtes, car les vignerons n'avaient plus le temps pour les deux cultures. La pénurie de main-d'œuvre pendant la mobilisation de 1939 à 1945 a ensuite achevé les exploitations mixtes.
L'encépagement du vignoble de Lavaux montre une continuité historique. Les premiers documents (XIIIe-XIVe siècles) mentionnent un cépage blanc appelé lausannois, plant de Lavaux ou valet blanc, devenu fendant au XVIe siècle. Ce cépage est devenu le chasselas, nom venu de France où il fut cultivé à partir de 1750 pour le marché parisien. Au XXe siècle, le nom français a remplacé les désignations locales, mais l'origine lémanique du chasselas est confirmée. D'autres cépages, dont des rouges comme le pinot noir, le gamay, le gamaret, le garanoir et le merlot, sont également cultivés à Lavaux.
La survie des vignobles en forte pente dépend grandement de l'accès aux parcelles. Lavaux possède un réseau de routes et de chemins développé principalement depuis la deuxième moitié du XXe siècle, avec des grands axes reliant les villages depuis le début du siècle. Les remaniements parcellaires dans les années 1960 ont regroupé des parcelles, réduit le morcellement et créé des chemins, soutenus financièrement par les autorités pour renforcer l'infrastructure du vignoble. Les aménagements ont été conçus pour s'intégrer au paysage, avec attention aux matériaux et à l'architecture. Des rampes et escaliers ont été ajoutés le long des chemins pour atteindre les vignes en terrasses. Pour les parcelles en forte pente ou éloignées, des moyens de transport collectifs tels que téléphériques, funiculaires et monorails ont été installés, ce dernier s'adaptant au terrain grâce à sa flexibilité. L'hélicoptère est également utilisé pour les transports spécifiques.
- L'importance de la préservation du site
Paysage construit par l’homme, Lavaux ne peut être entretenu que par lui et la beauté du site est totalement liée à l’existence de la vigne. Comment assurer l’avenir du vignoble si ce n’est en assurant celui des vignerons qui le cultivent ? Le seul moyen est de valoriser la vigne et le vin. Il s’agit donc de faire comprendre et d’admettre qu’une bouteille de vin de Lavaux payée à son juste prix contribue de façon directe au maintien de ce site exceptionnel.
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Encavage
La quasi-totalité du raisin récolté est vinifiée sur place. La production de raisin de table ne joue aucun rôle. L’encavage se répartit comme suit :
• vignerons-encaveurs: environ 65%
• négociants: environ 20%
• caves coopératives: environ 15%
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Lieux de production de l'AOC Lavaux
La région de Lavaux se subdivise en six appellations auxquelles s’ajoutent deux crus particuliers, d'ouest en est :
• Lutry 76 hectares
• Villette 137 hectares
• Epesses 171 hectares
• Calamin (Grand Cru AOC) 16 hectares
• Dézaley (Grand Cru AOC) 54 hectares
• Saint-Saphorin 143 hectares
• Chardonne 103 hectares
• Vevey-Montreux 98 hectares
TOTAL : 798 hectares (chiffres 2022)
Un édifice architectural complexe
Lavaux, avec sa pente qui plonge dans le lac, n’est pas juste un terrain viticole. Son unité architecturale, ses textures et ses couleurs reflètent sa conservation à travers les siècles.
Ce paysage a été modelé par la main de l’Homme. Et notamment avec les fameux murs. La constitution de terrasses, soutenues et délimitées par ces murs, s’est avérée indispensable dès le moment où les hommes ont décidé de cultiver le coteau de Lavaux. Ils ont pour fonction de gérer et maîtriser la pente, ralentir les eaux et offrir des surfaces cultivables. Ces murs représentent tout un symbole. Car au-delà du caractère bien spécifique qu’ils donnent à Lavaux, ils nécessitent un réel savoir-faire.
Au total, les murs forment un ensemble d’une longueur de 400 à 450 kilomètres, soutenant plus de 10’000 terrasses, dessinant ainsi des lignes parallèles ou perpendiculaires à la pente, et s'adaptant au terrain. De loin, ces lignes sont davantage visibles, montrant la structure du territoire et la tension entre morphologie naturelle et éléments humains.
Le lac Léman est un élément essentiel du paysage de Lavaux, reflétant et encadrant le vignoble. Il attire voyageurs, artistes et résidents. La vue de Lavaux depuis le lac offre une perspective riche : les vignes en terrasses et murs descendent vers le lac, avec des bourgs dispersés entre le rivage et les hauteurs. Les rives du lac sont une liaison entre le Léman et Lavaux. Elles se divisent en entités multifonctionnelles : zones publiques, bâties, privées et majoritairement viticoles. Lutry, Cully et Vevey s'y installent pour faciliter le transport et les voies terrestres. Les rives accueillent des ports, parcs, débarcadères et voies piétonnes.
Les villages viticoles se situent dans des emplacements variés et remarquables, en raison de la topographie spécifique des coteaux viticoles. Ils ont été préservés des constructions indésirables, à quelques exceptions près. La pente des vignobles offre une vue magnifique sur le lac et les Alpes.
L'Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP) créé en 1977, repose sur des critères typologiques et de sciences naturelles pour identifier les paysages. L'Inventaire fédéral des sites construits à protéger en Suisse (ISOS) établi dans les années 70 complète ce processus. L'IFP révèle la richesse patrimoniale de Lavaux. Onze sites sont qualifiés d'intérêt national, à savoir les petites villes de Lutry et de Cully, les six villages que sont Aran, Grandvaux, Riex, Epesses, Rivaz et Saint-Saphorin, ainsi que les hameaux de Savuit, de Châtelard et de Treytorrens. L’intérêt régional a été attribué au seul village de Villette et au hameau de Chenaux.
Le recensement architectural du canton de Vaud met en évidence la richesse des bâtiments de Lavaux. Parmi les 1228 édifices dans la zone centrale, près de 400 ont obtenu les trois meilleures notes de recensement : monuments nationaux en rouge, régionaux en rose et locaux en mauve. Les mesures de protection spéciales concernent plus de 200 bâtiments, et un cinquième d'entre eux sont sous protection générale, contrôlés par l'État.
- Evolution des activités
Jusqu’au milieu du XXe siècle, la plupart des vignerons de Lavaux pratiquaient aussi l’agriculture et l’élevage. La lecture du terroir ne doit pas seulement se limiter au vignoble: elle impose d’inclure les prés et les champs qui le dominent. L’architecture, quant à elle, témoigne d’une activité où propriétés modestes et vignes appartenant à des familles de notables côtoient de grands domaines où les collectivités publiques ont succédé aux ordres monastiques.
Un écosystème vivant
Sans l’humain, le paysage en terrasses de Lavaux n’existerait pas. On y vit, on y cultive la vigne, on y produit du vin, en parallèle de toute la vie sociale que l’on retrouve au sein des villages et des bourgs. Mais pour bien comprendre les aspects socio-économiques de Lavaux, il est nécessaire d’élargir la perspective à plus large échelle, celle du bassin lémanique qui l’intègre.
Le bassin lémanique comprend Genève, Lausanne et Vevey-Montreux, formant une agglomération avec activités complémentaires et concurrentes, affichant des caractéristiques métropolitaines. Ces villes offrent équipements variés. L'attraction de ces pôles engendre spécialisation fonctionnelle du territoire. Lausanne et Vevey-Montreux abritent des sièges de multinationales, attirant population mobile, formée et aisée. Lavaux exerce une forte attraction sur ce groupe social.
L'urbanisation de Lavaux est liée à Lausanne à l'ouest et Vevey-Montreux à l'est. Le développement rapide, mais différé, résulte de l'attraction de ces villes. Aujourd’hui, Lavaux compte 10 communes et plus de 32'000 habitants. Pour maîtriser l’urbanisation et préserver l’intégrité du vignoble et des bourgs, la Loi sur le plan de protection de Lavaux (LPPL) a été mise en place. Elle est entrée en vigueur en 1979 et s’appelle aujourd’hui la LLavaux.
Dans ce vignoble de plus de 800 hectares, le plus grand d’un seul tenant en Suisse, la viticulture est bien sûr l’activité emblématique. Les vignerons et négociants dominent l'économie dans la zone centrale.
On estime à 150 le nombre de familles vigneronnes dans le site. Mais bien que très présents dans la région, les vignerons ne sont pas les seuls acteurs économiques. C’est tout un écosystème qui fait de Lavaux un espace culturel vivant. Et tous ces acteurs ont un rôle à jouer dans la préservation du site.
- Un caractère bien conservé
Malgré les contraintes économiques et la pression démographique de deux pôles urbains, les communes de Lavaux ont su préserver leur caractère typiquement viticole. Cela constitue une césure paysagère importante entre ces régions fortement peuplées.
Un site naturel
Modelé par l'Homme, Lavaux est indéniablement associé à la vigne. Mais le site abrite de nombreuses et multiples espèces vivantes qui fait de lui un lieu riche. Il est primordial de protéger cette biodiversité.
Il est difficile de réaliser une reconstitution de la végétation naturelle de Lavaux existant avant la vigne en raison d’un manque de documentation. Les restes de forêts existantes ont été exploités pour diverses raisons (bois de chauffage, piquets pour soutenir les cultures, outils, etc.), altérant ainsi la végétation d'origine. Malgré cela, on peut essayer d'imaginer ces boisements en utilisant nos connaissances actuelles.
Parce que le paysage de Lavaux a été façonné par l’Homme, sa nature en a été altérée. Une nature qui subsiste donc sous forme de reliques végétales et animales, et qui s’est adaptée aux activités humaines. Mais ces restes conservent tout leur intérêt. Actuellement, quelques restes de la flore subsistent dans des habitats de substitution comme les friches et les murs. Ils avaient été éliminés avec des herbicides sous prétexte de propagation de maladies. Mais heureusement, des traitements plus doux ont émergé, et des murs aux joints plus ouverts sont reconstruits, facilitant la recolonisation.
Il n’existe que peu de données historiques sur les animaux de Lavaux. On estime que potentiellement, plusieurs milliers d’espèces différentes y vivent, pour la majorité des insectes, des mollusques et autres vers. Mais on y trouve aussi des vertébrés et des mammifères.
Sur les hauts de Lavaux, on peut observer des chevreuils et même des chamois, ainsi que des renards, des fouines, des blaireaux et des hermines. Des lièvres, des loirs et des muscardins – trois espèces en diminution dans notre pays – ont par ailleurs été observés. Quant aux oiseaux, une espèce rare attire l’attention : le bruant zizi. Il vit principalement dans les coteaux chauds doivent lui rappeler les chaleurs méditerranéennes auxquelles il est accoutumé. Enfin, les reptiles et les batraciens. 11 espèces de reptiles ont été recensées dans la région; hormis l’orvet et la vipère aspic, Lavaux abrite 4 lézards et 5 couleuvres. Et parmi les batraciens (6 espèces recensées), on souligne la présence de la salamandre tachetée
On sait que l’évolution de la végétation dans une région tend vers la forêt et plus spécifiquement la forêt climacique, soit en équilibre entre conditions écologiques et climatiques, et qui ne se modifie plus. On peut s’imaginer la végétation qui précédait la vigne à Lavaux grâce à certains résidus. Sous le Signal de Chexbres, par exemple, existe une chênaie buissonnante. On considère qu’il s’agit d’un reste de forêt climacique. Cette forêt basse, dominée par le chêne pubescent et le chêne sessile, s'accompagne de petits arbres résistants à la sécheresse. Le sous-bois inclut des buissons comme le cornouiller mâle, le genévrier et le buis. Dans les endroits humides, le pin sylvestre a remplacé la chênaie buissonnante. L’expansion de la vigne depuis le XIXe siècle a pratiquement fait disparaître cette forêt originelle.
Les activités humaines ont eu un fort impact sur la nature, ce qui menace la biodiversité. Des changements et améliorations sont nécessaires afin de préserver la faune et la flore. Quelques pistes :
- Cesser de lutter contre les zones herbeuses non liées à la vigne, importantes pour la flore et la faune.
- Protéger et maintenir le paysage, en préservant les ourlets de culture
- Entretenir les murs de façon à ce qu’ils continuent de servir comme habitats de substitution pour la faune et la flore.
- Une biodiversité à préserver
En augmentant la diversité des structures de l’habitat pour la flore et la faune, en maintenant les bandes incultes et les friches entre les parchets, en restaurant les murs afin qu’ils offrent des possibilités de refuge, Lavaux pourra se targuer d’avoir fait œuvre de pionnier en milieu vitivinicole suisse.
Une source d'inspiration
Au-delà de la culture de la vigne, Lavaux a également attiré et inspiré de nombreux artistes, que ce soit par l’écriture, la peinture ou encore la photographie et le cinéma.
Ce sujet vous intéresse ? La Maison Lavaux dédie un espace d'exposition aux artistes contemporains ayant un lien fort et particulier avec le vignoble.
Déjà au XVIIIe siècle, Lavaux attire les voyageurs, notamment ceux qui souhaitent gagner l’Italie. Certains peintres saisissent ainsi l’occasion de réaliser des œuvres pour les proposer aux touristes. Des réalisations qui iront bien au-delà des « tableaux-souvenirs ».
Les vues de Lavaux depuis les hauteurs du vignoble deviennent emblématiques grâce à des artistes comme Aberli, Lory père et fils ou Weibel. Au XIXe siècle, elles se multiplient, notamment avec Alfred Chavannes et Ferdinand Hodler. Les vues immergées, rapprochées et latérales, contrastent avec les vues panoramiques. On peut aussi citer des artistes tels qu’Ernest Biéler, Félix Vallotton, François Bocion ou Gustave Courbet.
Plus tard, au XXe et XXIe siècles, le vignoble et son paysage continueront de fasciner les artistes. Oskar Kokoschka notamment réalise ses premières vues du Léman dans les années 1920. La villa Le Lac (1923/1924) à Corseaux représente le tout premier exemple d'architecture moderne en Suisse, créée par Charles-Edouard Jeanneret, plus connu sous le nom de Le Corbusier (1887-1965). On peut également souligner une œuvre majeure : celle de Marcel Duchamp qui représente la cascade du Forestay intitulé « Etant donnés 1° la Chute d’eau 2° le Gaz d’éclairage » (1946-1966).
La photographie s’est développée dès le milieu du XIXe siècle et trouve une multitude d'usages sociaux et culturels, capturant le paysage de Lavaux et ses habitants, ainsi que le monde viticole. Des photographes comme Francis Frith, Adolphe Braun, André Schmid et Charnaux Frères font rayonner Lavaux à l’international.
La photographie accompagne l'industrialisation et le tourisme, attirant les voyageurs avec la promesse d'un paysage extraordinaire. Lavaux, avec son unité, son emplacement lacustre et ses vignes géométriques, devient une halte prisée lors des voyages, suivant l'itinéraire traditionnel Genève-Montreux. Des photographes suisses et britanniques, ainsi que des créateurs du XXe siècle comme Gustave Roud, Gaston de Jongh, Emile Gos, Max Chiffelle, Monique Jacot et Marcel Imsand, ont chacun apporté une perspective personnelle, capturant la beauté de Lavaux dans différentes saisons et époques.
Les paysages de Lavaux ont également attiré le milieu cinématographique. Parmi les tournages qui ont marqué l’histoire du pays de Vaud : la réalisation de "Merci pour le chocolat" par Claude Chabrol, avec Isabelle Huppert et Jacques Dutronc. Tourné aux alentours de Lausanne, il utilise les paysages de Lavaux comme "sas" pour échapper à l'atmosphère oppressante de l'intrigue. Chabrol lui-même a qualifié la Suisse de "bon Hollywood européen".
Le vignoble a été le théâtre d’autres films, comme par exemple "Lady L" (1965), réalisé par Peter Ustinov, avec Sophia Loren et Paul Newman. Ou encore "L’année vigneronne" (1940), un court métrage réalisé par Charles-Georges Duvanel, ou "La paysanne au travail" (1927-1928), film de commande pour l’Association des productrices de Moudon réalisé par Arthur Adrien Porchet.
Tout comme les peintres et les photograhes ou cinéastes, les écrivains se sont emparés de Lavaux, et ce, dès le milieu du XVIIIe siècle, dont notamment Rousseau ou Lord Byron. Parmi les contemporains de renom, on peut citer Albrecht de Haller et la romancière Isabelle de Charrière.
Mais parmi ceux qui ont particulièrement fait résonner le vignoble à travers les mots : l’œuvre du Vaudois Charles Ferdinand Ramuz.
Au XIXe siècle, des écrivains tels que le Doyen Philippe-Sirice Bridel et Juste Olivier mettent en lumière la géographie unique de Lavaux pour renforcer le lien identitaire des habitants avec leur terre. Bridel dans "Etrennes helvétiennes" retrouve les racines de la tradition et retrace l'histoire de la région. Juste Olivier, avec son essai poétique "Canton de Vaud", lie éléments naturels et constructions humaines dans une prose imagée, créant un univers harmonieux. Ces auteurs jettent les bases d'une nouvelle perspective. Jacques Chessex évoquera subtilement cette représentation dans "Portrait des Vaudois" (1969).
La Fête des vignerons a engendré un mouvement culturel spécifique à Lavaux, liant musique et identité. Les ensembles vocaux locaux se sont tournés vers une musique plus élaborée, influencée par la fête. Suite à la Fête de 1903, Gustave Doret a orienté la musique romande vers la latinité, enrichissant le répertoire des sociétés de chant de la région. Des compositeurs locaux ont contribué à ce répertoire lié à Lavaux. Ainsi, la Fête des vignerons a créé une authentique scène musicale rare et magnifique, influençant les musiciens de la région.
Ouvrage "Lavaux, vignoble en terrasses"
La plupart des informations de cette page proviennent du livre Lavaux, vignoble en terrasses, rédigé par l'AILU, l'association créée pour l'inscription de Lavaux sur la Liste du patrimoine mondial.
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Le livre de la candidature
Cet ouvrage de référence contient une matière étoffée sur Lavaux et ses patrimoines et a été rédigé par une trentaine d'auteurs.
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